« C’est un sujet auquel je tiens depuis longtemps. […] Parce que c’est quand même flagrant, ça fait partie de la culture et c’est rejeté en même temps. Il y a des histoires très tristes. Des raerae qui se font rejetées par leurs familles mais en même temps on les voit partout ici, ce qui n’est pas le cas en Europe. Je voulais creuser ce sujet et comprendre pourquoi… »
Les trois étoiles des 54 minutes se sont filmées elles-mêmes pendant trois ans. Au quotidien, elles ont livré leurs joies, leurs peines, leurs interrogations… Pour Tumata Tauraatua, ce documentaire est important. Elle souhaite qu’il permette de changer le regard des Polynésiens sur les personnes transgenres. Elle souligne :
« Ce n’est pas facile tous les jours mais on a quand même de la chance d’être en Polynésie. Cependant, nous aimerions être mieux acceptées… »
« C’est difficile d’être acceptée dans certains domaines. Il y a des entreprises qui ne veulent pas nous engager par rapport au regard des clients. Nous sommes plus sollicitées dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ou encore les salons de beauté. Mais pour ces métiers-là, il faut avoir des formations et ce n’est pas évident pour tout le monde. »
A ses côtés, Tumata Tauraatua ajoute :
« Il ne faut pas prendre le cas des raerae pour une globalité. On n’est pas toutes pareil. On est comme tout le monde. »
Le film a permis à la réalisatrice elle-même d’apprendre à connaître les transgenres.
« A la fin, j’ai réalisé qu’on s’aimait. On a développé une relation où j’ai beaucoup appris de leur façon d’être. J’ai appris que leur vie, ce n’est pas facile comme le nôtre même s’ils font beaucoup de blagues, même s’ils rigolent beaucoup. Au-dessus, il y a quand même un noir, une souffrance pour tous, pour chacune. »
Les étoiles me suffisent a été présenté en avant-première jeudi au Liberty devant plusieurs dizaines de personnes. Il sera diffusé le mercredi 6 juin sur TNTV.
Trois questions à… Emmanuelle Pouget, ATER, attachée temporaire d’enseignement et de recherche en droit privé à l’UPF.
Oui, il y a eu un changement de perspective assez important. Originellement la loi n’était pas intervenue pour déterminer les conditions dans lesquelles le changement de sexe pouvait être obtenu à l’état-civil. C’est donc la jurisprudence, les juridictions, qui avaient posé ces conditions. Or, parmi ces conditions figurait l’obligation de suivre un traitement hormonal et chirurgical pour aboutir à une adéquation entre le sexe biologique et le sexe revendiqué. Désormais, suite à une condamnation de la cour européenne des droits de l’Homme, la jurisprudence a changé, le législateur est intervenu. Par une loi du 18 novembre 2016, et désormais il suffit que la personne soit connue de son entourage et se présente aux yeux de tous comme étant soit un homme soit une femme.
Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas plus besoin d’actes chirurgicaux pour se faire appeler Madame ou Monsieur ?
Plus maintenant. Néanmoins, il figure toujours dans cet article 61.5 du code civil, il faut qu’elle rapporte la preuve d’un faisceau d’indices qu’il prouve qu’elle se présente au monde comme étant le sexe revendiqué. Exemple : elle a changé de prénom préalablement.
Cela se fait-il facilement ce changement de genre ?
Pour ce qui est du prénom, il suffit d’aller voir l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de résidence. En revanche, pour ce qui concerne la demande de changement de sexe à l’état civil, ça suppose de saisir le tribunal de grande instance.