À la maternité de l’hôpital du Taaone, Raihere vient d’accoucher de son premier enfant. Il y a 9 mois, la jeune femme, bonne vivante assumée et amatrice de soirées arrosées, a décidé de tout arrêter à l’annonce de sa grossesse. « J’ai pensé d’abord à mon bébé. J’ai pensé que tout ce que j’allais fumer, tout ce que j’allais boire serait pour mon bébé aussi alors que ce n’est pas bon pour lui. Ça sera de ma faute s’il lui arrive quoi que ce soit » , juge-t-elle.
Si Raihere fait partie de la majorité des mamans qui mettent un terme à leur consommation de cigarettes et / ou d’alcool à l’annonce de leur grossesse, il est parfois difficile de renoncer à sa dépendance. Un constat qu’elle observe jusque dans son entourage. « J’en vois, j’en connais aussi qui malheureusement, n’arrivent pas à réfréner cette addiction de fumer ou de boire pendant leur grossesse. Je ne porte pas de jugement, je ne suis pas juge, mais c’est dommage » , estime-t-elle.
Alcool, tabac, ou encore paka, au fenua, le personnel soignant constate depuis trois ans une augmentation de ces addictions pendant la grossesse. « On constate aujourd’hui que la situation a un petit peu changé, assure Françoise Pawlotsky, cheffe de service en réanimation néonatale au CHPF du Taaone. On a l’impression que pendant des années, chaque fois qu’une jeune maman se savait enceinte, elle arrêtait la consommation. On s’en rendait compte parce qu’on n’avait pas d’enfants qui présentaient ce que nous on appelle des syndromes de sevrage. Très récemment, on a observé des enfants qui présentaient à la naissance des hyper excitabilités. On fait des recherches et on observe que l’arrêt total de consommation de produits négatifs n’est plus total » .
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Autre dépendance récemment constatée chez certaines femmes enceintes : la consommation d’ice. Véritable fléau en Polynésie, cette drogue affecte désormais les nouveaux nés. « Cela a des répercussions sur l’enfant, on en a eu un récemment qui a été hospitalisé en réanimation, qui a fait une prématurité beaucoup plus compliquée que les autres, relève le taote Pawlotsky. Ce n’est pas anodin et c’est vrai que ce serait important de se dire : ‘je suis enceinte, j’arrête tout. Parce que tout ce que je consomme va aussi à l’enfant et ça aura des conséquences’ « .
Enfant de petite taille, hyperexcitabilité, malformations ou encore prématurité, les risques liés aux addictions sont multiples. Pour sensibiliser le personnel soignant, Rose-Marie Toubin, formatrice pédopsychiatre venue du CHU de Montpellier, est actuellement sur le territoire. « On apprend à organiser, d’abord à créer une alliance avec ses mamans, avec leur tane, et vraiment dès le début de la grossesse, à anticiper avec eux tous les facteurs de risque sur le développement du bébé, indique-t-elle. Que ce soit propre au bébé, mais propre aussi à eux, comment ils vont accueillir ce bébé, avec leur propre fragilité. On utilise l’entretien précoce prénatal pour écouter ses parents, leur demander leurs attentes, leurs craintes » .
En Polynésie, plusieurs structures existent pour se défaire de ses addictions. Se confier à sa sage-femme est déjà une première étape vers la guérison.