À 32 ans, Teaonui Tehau, capitaine des Toa Aito, n’en est pas sa première campagne de qualifications pour la Coupe du monde de football. Entre le beach soccer et le futsal, il a même mené sept campagnes internationales. Mais la huitième, celle pour l’Amérique du Nord et le Mexique en 2026, suscite chez lui une certaine excitation.
« J’y pense souvent, on va dire qu’il y a une petite pression, mais c’est une pression positive. C’est important d’en avoir pour préparer au mieux ce genre de match« , a-t-il expliqué à la FIFA. Car en cas de victoire face aux Cagous le 21 mars à Wellington, Tahiti s’offrirait une finale face au vainqueur de la seconde demi-finale entre la Nouvelle-Zélande, grandissime favorite, et Fidji. Surtout, les Toa Aito décrocheraient, à minima, leur ticket pour le Tournoi de barrage réunissant des sélections des quatre coins du monde. « Pour nous, cette demi-finale a déjà un goût de finale. Si on gagne, je pense qu’on aura atteint notre objectif principal » , ajoute-t-il.
Le foot, une histoire de famille chez les Tehau
En 2011, Eddy Etaeta, alors sélectionneur de Tahiti, décide de renouveler son effectif et pioche dans la génération fraîchement sortie de la Coupe du Monde U-20 en Égypte, en 2009. Parmi ces joueurs prometteurs, Teaonui Tehau, 18 ans, découvre les A aux côtés de ses cousins, Jonathan et Lorenzo. « C’est particulier de jouer avec des membres de sa famille, ça facilite les choses car on se connaît très bien » , déclare celui que son entourage surnomme ‘Filou’.
– PUBLICITE –
Lors de la Coupe d’Océanie 2012, un quatrième membre de la famille rejoint l’aventure : Alvin, le frère jumeau de Lorenzo. Auteurs de 15 des 20 buts tahitiens marqués pendant cette compétition, les Tehau permettent au fenua de remporter le tournoi pour la première fois de son histoire. Une prouesse majuscule dans une confédération jusque-là outrageusement dominée par l’Australie – avant qu’elle ne rejoigne la confédération asiatique – et la Nouvelle-Zélande.
Douze ans plus tard, seuls Alvin et Teaonui font encore partie de la sélection désormais menée par Samuel Garcia. Aujourd’hui cadres de la sélection, les deux hommes voient grandir avec un oeil expérimenté une génération qui compte aussi ses pépites, comme Roonui Tehau. « C’est mon petit frère, je suis fier de pouvoir évoluer avec lui en sélection. On joue dans le même club, à l’AS Vénus, mais le fait de pouvoir défendre les couleurs du pays ensemble ça a une saveur particulière » .

Xavi, Suárez et le Maracaña, « un rêve de gamin »
En remportant la Coupe d’Océanie 2012, Tahiti valide son ticket pour la Coupe des Confédérations de la FIFA au Brésil, en 2013. Une aventure extraordinaire pour la sélection polynésienne. « Participer à une Coupe des Confédérations, pour nous, simples joueurs amateurs, c’était un rêve de gamin« , se remémore le meilleur buteur de Tahiti (28 buts).
Dans le Groupe B, aux côtés de l’Espagne, du Nigeria et de l’Uruguay, les Tahitiens savent la tâche ardue. Après une défaite 6-1 en ouverture face aux Super Eagles, ils subissent un large revers face aux champions du monde en titre espagnols (10-0). Mais au-delà du résultat, ce sont surtout des anecdotes inoubliables que conservent aujourd’hui Teaonui Tehau et ses compatriotes. « Jamais je n’aurais pensé pouvoir jouer contre l’Espagne. En plus, c’était au Maracanã… Je me suis retrouvé à côté de Xavi dans le couloir avant le match. Je le regardais avec des étoiles plein les yeux, je n’arrivais pas à m’arrêter de le regarder ! » , raconte le natif de Faa’a.
Malgré une ultime défaite contre la Celeste (8-0), Teaonui Tehau garde un souvenir mémorable. « À la fin du match, j’ai couru après Luis Suárez pour récupérer son maillot. Il a accepté et on a pris une photo. J’étais tellement content » .

Les Toa Aito, une « bande de copains »
Ce type de moment en sélection, Tehau veut les revivre. Il compte sur la cohésion de son groupe pour battre la Nouvelle-Calédonie, un adversaire qui semble plus à sa portée que la Nouvelle-Zélande, même si tous les espoirs sont permis. « On est très confiants, on se prépare correctement avec l’ensemble du groupe pour être prêts pour ce grand rendez-vous« , livre le chef de file tahitien.
Pour ce qui est de la cohésion de groupe, la proximité géographique entre les joueurs apparaît comme un véritable atout. « Tahiti, c’est petit. Avec les gars, on se voit presque tous les jours en dehors du terrain. On est onze joueurs de l’AS Venus en sélection donc ça aide. On est une vraie bande de copains » .
Une bande d’amis qui a un rêve en commun : qualifier Tahiti pour un Mondial de football à 11 pour la première fois de son histoire. « Pour le moment, on est vraiment concentrés sur la demie. Mais avec le changement de règlement, ça nous rajoute une chance. Le vainqueur de la finale part directement au Mondial et le finaliste va jouer des barrages. Autant dire que si on atteint la finale, on aura déjà rempli l’objectif et puis qui sait ? Sur un match contre la Nouvelle-Zélande, on peut faire un exploit ! » .

De footballeur plasturgiste à coach
Le sélectionneur tahitien Samuel Garci voit un lui un excellent futur coach, comme il le confiait à la FIFA dans une interview de novembre 2024. « Je n’ai que du bien à dire de lui. C’est mon relais. Je sais que je peux lui faire confiance les yeux fermés et je lui ai dit : ‘J’espère que tu vas prendre ma place un de ces quatre’. Je le souhaite de tout cœur. C’est une figure du football polynésien » .
Comme la totalité de ses partenaires, Teaonui Tehau ne possède pas le statut de joueur professionnel. Il jongle entre son emploi du temps de sportif et son métier de plasturgiste. « Ici, on ne vit pas du football, je travaille dans le plastique, je contrôle tous les produits finis qui ont été conçus avec du plastique » . Lorsqu’on lui demande ce qu’il compte faire une fois sa carrière de joueur terminée, la réponse est claire. « J’ai déjà commencé des formations pour devenir entraîneur, je vais commencer par les équipes de jeunes. Je ne me vois pas vivre sans le football » , conclut-il.