TNTV : Vous venez de remporter votre qualification sur le circuit mondial. Comment l’avez-vous vécu sur le moment ?
Vahine Fierro : « C’était incroyable. C’est un rêve depuis toute petite. Donc, c’était magique, la cerise sur le gâteau pour cette année. C’étaient des longues années de belles expériences, des leçons de vie, physiques, mentales. J’ai appris beaucoup sur le corps de la femme, sur l’authenticité, le message que j’aimerais me transmettre et transmettre aux autres aussi. Voilà, c’était vraiment une belle année. Et surtout, ce que j’ai retenu du Brésil, c’est que tout le monde a ses chances de se qualifier. Mais c’est celle qui arrive à performer le jour J, les 30 minutes qui sont données, et pas pendant l’entraînement du matin, ni le jour d’après. C’était performer quand il fallait, au bon moment. Et j’ai su le faire cette année. Donc, voilà, c’est cool ».
TNTV : L’année a un peu été en dents de scie. Vous avez remporté la Tahiti Pro en mai, mais vous avez été éliminée aux Jeux olympiques en huitièmes de finale, avant de finalement vous qualifier pour le CT….
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Vahine Fierro : « Ça paraissait en dents de scie, mais j’étais quand même en train de progresser tout doucement, comme un escalier. Les Jeux, pour moi, ça a été un moment très difficile, des émotions que je n’avais jamais ressenties avant. Après les Jeux, les semaines qui ont suivi, c’étaient des moments de vide, des moments de tristesse, de frustration, d’envie. J’en ai parlé aussi à d’autres Olympiens qui ont eu la même expérience que moi, et ils m’ont dit qu’ils ont ressenti la même chose. Tu passes de la magie des Jeux à, tout d’un coup, tu n’es plus dans les Jeux, tu as perdu, et tu vois tout le monde gagner des médailles, et toi, tu es là, à côté, et tu n’as rien. J’ai pu bien m’entourer, beaucoup parler avec ma psychologue sportive, mon hypnotiseur, pour pouvoir en tirer les meilleures leçons. C’est dans ces moments-là que c’est les leçons les plus valides, les émotions les plus valides, que même dans ces peurs, dans ces doutes, dans ces frustrations, j’aime toujours autant le surf, j’aime toujours autant mettre le lycra. C’est comme ça que j’ai pu me relever et me dire à quel point je suis passionnée de surf et que j’ai vraiment envie de me qualifier en fin d’année. Donc je me suis un peu sortie de cette défaite pour me mettre dans cette bulle où je me focalisais vraiment sur des trucs positifs. Ça a payé à la fin d’année ».
TNTV : La première épreuve du CT se tiendra en janvier à Hawaii. Quel est votre programme d’ici-là ?
Vahine Fierro : « Ça va vite arriver, donc là, je rentre pour me reposer un peu sur Huahine et, ensuite, peut-être passer par Abu Dhabi pour faire une session dans une piscine à vagues, parce que c’est une des étapes dans le tour. Et ensuite aller assez tôt sur Hawaii pour pouvoir essayer mes planches, connaître un peu mieux la vague et passer du temps là-bas pour me préparer ».
TNTV : Vous avez également une préparation mentale ?
Vahine Fierro : « Oui, bien sûr. La préparation mentale, c’est très important pour parler et aussi avoir les bons outils pour pouvoir gérer les émotions, donc ça, ça se fait aussi à côté ».
TNTV : Dans quel état d’esprit abordez-vous le circuit mondial ?
Vahine Fierro : « Le circuit, ça s’enchaîne beaucoup, donc je pense que la récupération entre les compétitions, pour pouvoir bien performer, va être très importante, et je le fais avec une belle équipe. J’ai pu construire une belle fondation avec des bons coachs, que ça soit sur le mental, le physique, l’organisation. Donc j’ai ce confort-là pour m’accompagner et garder le rythme jusqu’à Fidji dans la compétition finale pour décrocher un titre de Championne du Monde ».
TNTV : financièrement comment cela se passe ? Il appartient aux surfeurs de financier leurs déplacements ?
Vahine Fierro : « Oui, en fait, le surf, ça coûte très cher. On a des déplacements, les hôtels, les voitures, les billets, donc on s’occupe de tout ça. Heureusement que j’ai une équipe avec moi, mon papa, que je remercie beaucoup, mon agent. Il y a les mains invisibles qui travaillent derrière. Papa s’occupe beaucoup de ça. Il y a aussi les sponsors comme Air Tahiti Nui qui allègent ce poids (…) et les sponsors aussi à l’international qui participent. Ensuite, plus tu gagnes, plus il y a d’argent dans les compétitions, donc après, ça revient. Une petite anecdote : quand j’avais 13 ans, j’ai fait ma première compétition, et j’ai dit à mes parents : ‘ok, j’ai envie de faire toutes les compétitions à Tahiti’. Ils m’ont dit : ’ok, si tu veux, mais tu vas commencer à vendre des tartes au chocolat pour payer tes billets, pour faire l’aller-retour Huahine/Papeete’. J’aimerais les remercier. C’est une éthique de travail. Plus tu travailles dur, et plus les gens vont vouloir t’aider. Les gens à qui j’ai vendu ces tartes, ils ont voulu m’aider. Je leur expliquais :’ je veux payer mes billets d’avion pour aller faire mes compétitions’. Ils étaient ouverts, ils ont voulu. En travaillant, tu attires les sponsors, tu attires ces gens qui veulent généreusement t’aider, et donc c’est comme ça que tu y arrives financièrement ».
TNTV : Vous aurez prochainement votre lycra officiel pour l’ensemble de la saison. Il y a tout un protocole de flocage à respecter. Et contrairement aux Jeux Olympiques, votre lycra aura bien les deux drapeaux, français et polynésien…
Vahine Fierro : « Oui, j’ai eu l’autorisation de la Fédération française de surf de pouvoir porter aussi notre drapeau polynésien. Je vais d’ailleurs le mettre sur mon bras droit, qui va être le plus visible sur toutes les caméras, sur les lives, donc j’aurai sur mon bras droit le drapeau polynésien, et sur mon bras gauche le drapeau français, car je suis aussi en course pour les prochains Jeux. Il y a donc l’obligation de porter le drapeau français ».
TNTV : Qu’en est-il de votre numéro ?
Vahine Fierro : « Le numéro que j’aimerais imprimer, je ne vais pas encore l’annoncer officiellement parce que ça n’a pas encore été confirmé, mais une fois que je l’aurai, j’exprimerai ça ».
TNTV : Vous avez ouvert la voie à de jeunes pépites du surf féminin polynésien comme Aelan Vaast, Tia Zebrowski, Kiara Goold, ou encore vos petites sœurs Heimiti et Kohai. De bon augure pour l’avenir ?
Vahine Fierro : « Cette année a été incroyable pour Tahiti et ses îles. Je gagne la Tahiti Pro, Kauli Vaast enchaîne avec une médaille d’or, et ensuite, je me qualifie. On a vraiment été présents dans le surf cette année. Pour moi, le sport, c’est une force pour communiquer, pour montrer l’exemple. Dans le surf, il y a la créativité, l’expression sur les vagues, un style particulier, propre à chacun et pouvoir ouvrir cette porte en étant la première Tahitienne je suis honorée. Mais c’est que le début parce que je n’ai jamais vu autant de jeunes filles dans l’eau et de jeunes garçons à s’entraîner tous les jours. Ils y vont avant l’école à 5h du matin, avec les parents au bord en train de les filmer pour les faire progresser. Il y a un engagement et une passion, donc c’est très beau à voir. Nous, en tant que Polynésiens, on a cette énergie, ce mana, cette attitude qu’on apporte dans le surf à l’international qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs que ce soit dans les vagues conséquentes, dans les manœuvres aériennes ou dans les vagues de performance on a cette énergie-là qu’il faut utiliser pour élever notre pays. On le fait et on va le faire pour beaucoup d’années à venir ».