Hervé Leroy : « je n’ai pas de comptes à régler avec qui que ce soit ici »

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Le procureur de la République en Polynésie Hervé Leroy avait pris ses fonctions au fenua le 9 septembre 2016. Il arrive au terme d'une délégation de près de 7 ans. Invité de notre journal vendredi, il est revenu sur les affaires qui l'ont marqué. Interrogé sur l'affaire l'opposant au leader indépendantiste Oscar Temaru, il a rappelé qu'il n'a "pas de combat personnel à mener au fenua".

Publié le 18/06/2023 à 12:17 - Mise à jour le 18/06/2023 à 12:29

Le procureur de la République en Polynésie Hervé Leroy avait pris ses fonctions au fenua le 9 septembre 2016. Il arrive au terme d'une délégation de près de 7 ans. Invité de notre journal vendredi, il est revenu sur les affaires qui l'ont marqué. Interrogé sur l'affaire l'opposant au leader indépendantiste Oscar Temaru, il a rappelé qu'il n'a "pas de combat personnel à mener au fenua".

TNTV : On sait qu’il y a une augmentation des procédures pour agressions sexuelles sur mineurs. De quelle ampleur est cette augmentation ?
Hervé Leroy, procureur de la République :
« On sait qu’il y a une augmentation effectivement parce que, (…) la parole se libère. Il y a beaucoup d’informations dispensées au sein de la société via les médias, au sein de l’école, durant les interventions, notamment des gendarmes et des policiers dans les établissements scolaires. Et la parole se libère et donc on dénonce de plus en plus de faits. Des faits, parfois c’est vrai, anciens, et qui nécessitent des investigations au long cours compte tenu de l’ancienneté des faits. Et aussi, il faut le dire, ce sont des procédures spécifiques qui requièrent des investigations d’ordre psychologiques, psychiatriques, à la fois sur l’auteur et sur la victime. »

TNTV : L’inceste est une des nombreuses formes de violences sexuelles et intrafamiliales. Il y a des téléphones grand danger, des bracelets antirapprochement… Des dispositifs ont été mis en place depuis votre arrivée au fenua. Comment améliorer aujourd’hui la lutte contre ces violences ?
Hervé Leroy : « Je crois que pour améliorer la lutte contre les violences, ça passe par l’éducation. Il faut vraiment en parler le plus tôt possible à la fois au sein des familles et puis au sein des établissements scolaires. C’est ce qui se fait. Il faut éduquer. Il faut parler. »

TNTV : Il y a un autre sujet auquel vous portez un grand intérêt, la lutte contre les stupéfiants. Là aussi, il y a eu des avancées en 7 ans. Malgré cela, le trafic continu et se développe dans les îles. Si la justice peut condamner les infractions, comment éviter que la population ne tombe davantage dans cette spirale ?
Hervé Leroy : « Je rebondis sur ce que je viens de dire : s’agissant des violences intra-familiales et notamment des violences sexuelles, il faut informer, il faut éduquer. Il faut bien spécifier que dès le plus jeune âge, toucher à la drogue peut entraîner des conséquences physiques, psychologiques, et ça déstructure l’individu et sa famille. »

TNTV : C’est un travail que vous faites avec la gendarmerie par exemple ?
Hervé Leroy : « C’est un travail qui est fait avec la gendarmerie, la police, mais tous les partenaires avec lesquels on travaille et bien évidemment le Pays. »

TNTV : La règlementation locale en matière de cannabis a évolué et elle est amenée à évoluer encore. L’ILM n’attendait plus que votre feu vert pour récupérer les saisies de cannabis nécessaires au programme Porinetia pakalolo screening. Est-ce que ça a été signé ?
Hervé Leroy : « Ça va se faire prochainement. »

TNTV : On poursuit avec les affaires qui ont marqué le fenua durant votre présence ici à commencer par celle qui vous opposait à Oscar Temaru, finalement jugée à Nouméa. Le leader indépendantiste a été débouté. Une affaire corrélée à celle de Radio Te reo o tefana. Sans vouloir relancer le débat, que retiendrez-vous de cette affaire ?
Hervé Leroy : « J’exerce les missions qui me sont dévolues, donc quand il y a des infractions qui me sont dénoncées, et dans cette affaire-là les infractions ont été dénoncées en 2014 avant mon arrivée, j’ai pris le relais de mon prédécesseur et l’enquête s’est poursuivie sous mon égide. Ce n’est pas Hervé Leroy contre Oscar Temaru. Il ne faut pas personnaliser. Je ne suis pas là pour personnaliser ma fonction et encore moins personnaliser les prérogatives, donc je dispose de par la loi. Moi, on me dénonce une infraction, je mène une enquête et j’ai un rapport avec tous les tavana, avec toutes les polices municipales via la gendarmerie et la police nationale, qui se déroule au mieux. Je n’ai pas de combat personnel à mener au fenua, c’est clair. »

TNTV : Il y a quand même eu des attaques ciblées, des mots qui ont été forts.
Hervé Leroy : « Oui, mais ça, c’est la responsabilité de certains avocats qui croient devoir tenir ce genre de propos. Moi, je n’ai pas de comptes à régler avec qui que ce soit ici. »

TNTV : Il y a d’autres affaires qui vous ont marquées ?
Hervé Leroy : « C’est toujours au fil des compte-rendus de permanence qui me sont relatés par les collègues et dont j’ai connaissance bien évidemment, parfois aussi à titre personnel parce que je me saisis de certains dossiers. Ce sont les violences sur les personnes vulnérables, sur les femmes. Parfois, on voit des dégâts physiologiques et psychologiques considérables. Et, effectivement, ce sont les violences sur les mineurs, dont les abus sexuels. C’est toujours poignant sur le plan humain d’appréhender ce type de procédures. Mais, il faut le faire avec rigueur et exercer ces missions et diriger des enquêtes confiées aux officiers de police judiciaire. »

TNTV : Autre sujet, le climat est tendu au tribunal de Papeete avec des tensions entre les magistrats du siège et du parquet. Trois inspections ont été envoyées par la chancellerie. Une guerre froide qui a même fait l’objet d’articles dans la presse nationale. Pensez-vous que ces problèmes internes aient eu un impact sur le bon fonctionnement de la juridiction et surtout comment vous avez vécu ces tensions internes ?
Hervé Leroy : « Dans toute communauté de travail, il y a plus ou moins d’affinités. Mais, moi ce que je tiens à indiquer, c’est que juges et procureurs doivent travailler ensemble et de façon sereine. Et quand il y a des désaccords, mais portant sur des décisions juridictionnelles, le Parquet, le procureur de la République, exerce les voies de recours. Je pense que le journaliste métropolitain auquel vous faites allusion n’a pas eu peut-être toutes les informations. En tout cas, il ne s’est jamais adressé à moi. Je sais qu’il a écrit beaucoup d’articles de janvier jusqu’à récemment sur ma personne. Je ne l’ai jamais eu au téléphone. Il ne m’a jamais sollicité pour avoir un contradictoire. »

TNTV : La procureure de Périgueux devrait vous succéder. Que pouvez-vous nous dire à son propos ?
Hervé Leroy : « Elle a été choisie par la Garde des Sceaux. Maintenant, il lui appartient d’attendre la convocation devant le conseil supérieur de la magistrature qui validera le choix qui a été opéré par le Garde des Sceaux. Très honnêtement, je ne peux rien vous dire de plus. »

TNTV : Et vous, que ferez-vous par la suite ?
Hervé Leroy : « Moi, comme vous l’avez indiqué, j’arrive au bout de mes 7 ans de délégation parce qu’il faut savoir que le procureur de la République est nommé au Parquet général et délégué dans les fonctions de procureur de la République au tribunal de première instance. Et, à l’issue des 7 ans, s’il n’a pas obtenu un autre poste par volonté, ce qui est mon cas, il réintègre le parquet général. Donc le 1er septembre, je serai substitut général. »

TNTV : 7 ans d’exercice en Polynésie française auprès des Polynésiens : qu’est-ce que cette mission vous a apportée ?
Hervé Leroy : « Je dirais que j’exerce avec beaucoup de plaisir les fonctions de procureur de la République en Polynésie française parce que, je le répète à chaque audience, dans ce pays, on a encore des valeurs et on a encore du respect pour l’autorité et c’est vraiment très agréable. »

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