« Jean-Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12H00 », a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l’AFP.
« Engagé sous l’uniforme de l’armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté », a salué sur X le président du Rassemblement national, Jordan Bardella.
Marine Le Pen se trouvait mardi à la mi-journée dans un avion qui doit la ramener dans l’Hexagone de Mayotte, où elle s’est rendue pour exprimer sa solidarité après le passage dévastateur du cyclone Chido.
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Sa sœur, Marie-Caroline Le Pen, candidate malheureuse aux législatives de juillet, et épouse de Philippe Olivier, l’un des principaux conseillers politiques de Marine Le Pen, a pour sa part réagi sur le réseau social X: « De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler. À Dieu Papa. »
Celui qui était le plus jeune député lors de son élection en 1956 à l’Assemblée nationale – il était jusqu’à mardi le dernier député de la IVe République encore en vie – doit, selon ses volontés, être inhumé à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), où reposent ses parents.
La mort de Jean-Marie Le Pen a été annoncée alors qu’une partie de la classe politique était réunie mardi à Paris devant l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dix ans après les attentats de janvier 2015.
L’exécutif a réagi avec prudence. L’Elysée a estimé dans un communiqué que Jean-Marie Le Pen était une « figure historique de l’extrême droite » française dont le « rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans (…) relève désormais du jugement de l’Histoire ». « Le président de la République exprime ses condoléances à sa famille et ses proches », a-t-on ajouté.
Le Premier ministre, François Bayrou, a reconnu « une figure de la vie politique française », au-delà « des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond ». « On savait, en le combattant, quel combattant il était ».
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR), a pour sa part estimé qu’une « page de l’histoire politique française se tourne » avec la mort de celui qui « aura incontestablement marqué son époque ».
Le fondateur de Front national, devenu Rassemblement national, s’était peu à peu retiré de la vie politique à partir de 2011, lorsque sa fille Marine Le Pen avait repris la présidence du parti.
Affaibli par plusieurs accidents de santé, une expertise médicale avait constaté en juin dernier « une profonde détérioration » de son état physique et psychique, estimant qu’il n’était pas en mesure ni « d’être présent », ni de « préparer sa défense » au procès des assistants des eurodéputés FN qui s’était déroulé à Paris de septembre à novembre.
Mi-novembre, Jean-Marie Le Pen avait été hospitalisé puis admis dans une structure à Garches, à l’ouest de Paris, non loin de son domicile de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Fidèle compagnon de route, Bruno Gollnisch, a indiqué auprès de l’AFP qu’il l’avait visité il y a encore une dizaine de jours. « Nous avions plaisanté, il avait toute sa tête et récitait du Victor Hugo. Mais la communication n’était pas toujours très facile, il voyait et entendait de plus en plus difficilement », a raconté cet ancien député FN.
Front républicain
Tribun hors-pair, provocateur sulfureux obsédé par l’immigration et les juifs, patriarche contrarié par les siens, le Breton qui aimait à être surnommé « le menhir » avait sorti l’extrême droite française de sa marginalité au cours d’une carrière politique qui a marqué la Ve République.
Le plus emblématique de ses succès restera inachevé. Le 21 avril 2002, à 73 ans et pour sa quatrième candidature à l’Élysée, il crée la surprise en se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle.
Le triomphe a son revers: pendant quinze jours, des millions de personnes défilent contre le racisme et son incarnation politique. Surtout, Jean-Marie Le Pen permet la réélection facile de son ennemi juré, Jacques Chirac.
Vingt-deux ans plus tard, alors que le RN venait de triompher aux élections européennes, une providentielle dissolution décidée par Emmanuel Macron laissait entrevoir la possibilité que sa fille Marine emmène l’extrême droite au pouvoir, un rêve auquel il s’était finalement mis à croire mais qui s’est encore fracassé sur un « front républicain ».
Jean-Marie Le Pen, après avoir été marié avec Pierrette Lalanne, la mère de ses filles Marie-Caroline, Yann (elle-même mère de l’eurodéputée Marion Maréchal) et Marine, avait épousé en secondes noces Jany Paschos.
Sébastien Chenu, vice-président du parti, a estimé que « la disparition de Jean-Marie Le Pen est celle d’un immense patriote, visionnaire et d’une incarnation du courage ». « C’est aussi la disparition d’un homme d’une immense culture, qui a porté l’espoir de millions de Français ».
Dans un communiqué, le Rassemblement national a évoqué la mémoire de « celui qui, dans les tempêtes, tint entre ses mains la petite flamme vacillante de la nation française ».
Éric Ciotti, qui s’est allié au RN lors des dernières législatives, a décrit un « homme politique au parcours jalonné de zones d’ombres, mais aussi de courage, d’intuitions puissantes et de patriotisme sincère ».
L’ex-candidat à la présidentielle de 2022 Éric Zemmour, adversaire de Marine Le Pen, lui a également rendu hommage: « Par-delà les polémiques, par-delà les scandales, ce que nous retiendrons de lui dans les prochaines décennies, c’est qu’il fut parmi les premiers à alerter la France des menaces existentielles qui la guettaient ».
A gauche, le leader de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a estimé que « le combat contre l’homme est fini » mais « celui contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qu’il a répandus, continue ».
« Les amis de Vichy et la torture en Algérie. Le FN fondé avec des Waffen SS, les +Durafour crématoire+ et les +points de détail de l’histoire+. Un fasciste d’un autre temps s’en est allé. Mais laisse derrière lui des héritiers, très actuels », a renchéri le député François Ruffin, qui siège avec les écologistes à l’Assemblée nationale.
Après la mort de l’ex-président du Front National, « restent ses idées nauséabondes. Combattons-les, sans relâche », a pour sa part commenté le porte-parole du PCF Ian Brossat.