Musique : 2024, l’année de Tei

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En seulement un an et quatre clips postés sur sa page Youtube, Tei s'est affirmé comme un talent prometteur de la scène musicale tahitienne. Mélangeant les influences traditionnelles de son fenua natal avec l'ébullition du rap métropolitain, Teina Chang Sui Fat, de son vrai nom, vient bousculer les codes. TNTV l'a rencontré à Faa'a, dans son home studio.

Publié le 03/03/2024 à 12:19 - Mise à jour le 04/03/2024 à 14:54

En seulement un an et quatre clips postés sur sa page Youtube, Tei s'est affirmé comme un talent prometteur de la scène musicale tahitienne. Mélangeant les influences traditionnelles de son fenua natal avec l'ébullition du rap métropolitain, Teina Chang Sui Fat, de son vrai nom, vient bousculer les codes. TNTV l'a rencontré à Faa'a, dans son home studio.

On a pour coutume de dire que les chiens ne font pas des chats. L’adage se vérifie sans aucun mal pour Tei, 25 ans, qui baigne dans la musique depuis petit. En l’espace d’un an, le jeune polynésien a fait montre de toute sa panoplie d’artiste, à travers des clips et un son unique, mélangeant influences locales et métropolitaines.

Dans la famille zikos, le papa fabrique des ukulele, le grand frère mixe et affine son style dans la techno minimale, la petite sœur chante et joue de la guitare dans le groupe religieux Miserium. Même la maman chante, bien que timide. « C’est peut-être celle qui chante le moins, mais elle fredonne quand même des airs« , sourit-il. « J’ai commencé avec la guitare. J’ai appris à chanter et à faire beaucoup de covers, dans tous les styles : Ed Sheeran, Chris Brown, Reggae, Pop, R&B et Country… Pas de limites« .

C’est vers ses 15 ans que Tei se met derrière son ordinateur pour faire comme le frangin : de la house sur FL Studio, logiciel de production musicale qu’affectionnent particulièrement les rappeurs français. Mais le tournant rap ne viendra que quelques années plus tard.

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Son bac pro CVP à Saint-Joseph en poche, il file à Aix-en-Provence pour suivre des études de design, histoire de développer ses compétences en graphisme. Tei débarque non loin de Marseille, ville pionnière du hip-hop (entre IAM et la Fonky Family pour ne citer qu’eux), à une période où le rap français vit un nouvel âge d’or. 2016 marque l’heure de gloire pour PNL, SCH, Damso, Nekfeu et consorts, et forcément, le Tahitien n’y est pas insensible. « J’écoutais déjà un peu de rap avec les collègues. Mais là, c’était une claque, je me suis mis à écrire » , se souvient-il. Citant Young Thig pour le rap US ou encore Josman et son flow américain comme influences, il écrit directement dans la langue de Shakespeare. « Ça a toujours été le moyen le plus facile de trouver mes mots, de m’exprimer aisément » assure-t-il.

Une équipe qui a la « dalle »

Sur les bancs de l’école, il rencontre Lotus, avec qui il passe un cap en métropole. « Il était déjà à fond. Il faisait déjà ses prods, son enregistrement, ses mix lui-même. Je voyais qu’il avait la dalle » , résume-t-il. La connexion se fait naturellement, et les deux compères, au-delà de la musique, se donnent des coups de mains dans leurs jobs de vidéastes / graphistes à travers leur collectif Fuite. Au sein d’une équipe ultra-polyvalente, il trouve sans mal sa place. La musique passe alors au second plan après le travail de l’image, un détail qui aura son importance dans les visuels et les clips de Tei.

À son retour en fenua en avril 2022, il se sent « super inspiré » et planche sur des nouveaux morceaux, dans des sonorités et des thèmes qu’il veut plus proches de ses origines polynésiennes. Il écrit l’hymne du retour aux sources « Local Boy » , produit par le collectif de beatmaker MAMŪ, qui patientera avant de devenir le plus gros succès de sa jeune carrière.

Ce n’est que plus tard que le label local Sound of Sand Records lance un concours, suggérant à Tei de participer. Il finit par enregistrer le morceau, et gagne. Il profite de l’élan pour shooter un clip dans les Tuamotu… à l’Iphone. « Je l’ai fait par feeling. On n’avait pas trop le temps avec Sound of Sand, parce que j’étais en vacances avec la famille, dans les îles. Qu’importe, il sent que le moment est le bon pour enregistrer quelques vidéos. On était à Anaa, dans un local mood. Local Boy raconte qu’il ne faut pas se prendre la tête, et se recentrer sur les vraies choses de la vie. Du coup, j’ai clippé ça tranquille en local boy, avec la famille » .

Son intuition est la bonne. Les images sont simples, mais elles en disent long sur lui. Dans son élément, il semble avoir trouvé une marque de fabrique : t-shirt autour de la tête, danses nonchalantes, refrains mélodiques. Son savoir-faire en termes de montage et de traitement visuel fait le reste. À ce jour, « Local Boy » cumule plus de 121 000 vues sur Youtube. « Ici, pas besoin de frime. On est apaisé, sourit-il. Je n’ai pas de mal à faire la part des choses entre la métropole et ici. C’est là que je me ressource » .

L’affirmation après Local Boy

Le succès de Local Boy lui met le pied à l’étrier. Il repart pour la métropole et retourne au charbon, avec l’esprit perfectionniste qui le caractérise. S’il n’a pas sorti beaucoup de morceaux jusqu’ici, chacun est travaillé méticuleusement, selon sa propre vision. « Même avant Local Boy, j’ai beaucoup écrit, mais je savais qu’il fallait que j’attende avant de sortir quoique ce soit, parce que ce n’était pas assez mature. Je suis toujours aussi perfectionniste, et mon équipe l’est aussi » , souligne-t-il.

C’est toute l’histoire de son morceau « Start » , écrit il y a… 4 ans, et qui a connu plusieurs versions. « Je m’étais dit, au bout de tout ce temps, j’ai une nouvelle vision, je vais le réenregistrer avec une nouvelle interprétation. J’ai essayé, mais ça ne marchait pas du tout » , confie-t-il. Il revient à une version antérieure et sort le morceau avec un clip léché, en juillet 2023.

« Je vais m’acharner, je vais transpirer, mais il le faut. On n’a rien sans rien »

Depuis ses débuts, la progression est fulgurante, mais pas surprenante selon lui. « Je travaille avec des monstres, ça m’apporte de l’énergie. On est tous en indépendants, on ne compte pas pour les sous, balaye-t-il. C’est pas tous les jours qu’on trouve des personnes comme ça » . L’argent qu’il gagne avec ses projets vidéo ou comme graphiste, il le réinvestit dans sa musique. « Je sais que (2024) va être une année de sacrifices. Je vais m’acharner, je vais transpirer, mais il le faut. On n’a rien sans rien » .

Un EP en 2024 pour s’installer

Sur l’EP qu’il prépare, et dont il va prochainement révéler le titre, Tei a fait venir du monde : le beatmaker Kev117 (Booba, Shay, Ashe 22, Mademoiselle Lou…), le rappeur Lapostroz et le guitariste Blatt. Son acolyte aixois beatmaker et ingénieur du son, Soumo, est une nouvelle fois aux manettes pour peaufiner le rendu.

À quoi s’attendre avec Tei ? Une chose est sûre, il a « trop consommé » de rap et compte s’en éloigner, pour proposer une musique aux couleurs plus locales. « Il y a toujours un côté hip-hop dans ce que je fais, par des phrases ou par des paroles, mais je me rapproche de plus en plus des îles, affirme-t-il. Dans cet EP, je vais mélanger un truc identitaire d’ici, avec ce que j’ai pu entendre de moderne ailleurs » . S’il est « à fond » sur l’afrobeat, Tei s’attache à parler à l’identité polynésienne.

« Je suis super confiant pour ce projet. Ça me tenait à cœur de faire un truc identitaire. Ses doutes sont vite dissipés par les premiers retours. Je me suis dit que ça allait être un gros challenge, mais ça coulait de source en le faisant. La vibe de base, elle est là, elle est ancrée. Ça bouge pas, quoi ! » .

Tei l’affirme, son aventure n’en est qu’à ses débuts. « Qu’on me soutienne. On va pousser le projet au plus loin, ensemble. De mon côté, je donne tout ce que j’ai, conclut-il. C’est grâce au public que ça pourra prendre de l’ampleur » .

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