Coup dur pour les sportifs de haut niveau du fenua. Habituellement subventionnés à hauteur de 600 000 francs chacun par le Pays, un grand nombre d’athlètes de la catégorie « élite » ont découvert les nouveaux montants de l’aide individualisée dont ils bénéficieront pour 2025 avec stupeur : 250 000 francs. Et ceux de la catégorie « excellence » qui peuvent prétendre jusqu’à 400 000 francs, ont découvert pour certains la somme modique de 100 000 francs.
« Le gouvernement nous a enlevé quand même la moitié de notre subvention en tant que sportif de haut niveau, (…) clairement je suis obligée de me financer moi-même« , déplorait le triathlète mutli-titré Benjamin Zorgnotti sur notre plateau, le 19 janvier dernier. « Mes sponsors m’aident énormément, ma femme aussi, sauf qu’à un moment donné, il y a des limites. (…) Donc oui on peut en vivre, par contre, il faut réussir à gagner. L’année dernière, ce qui m’est arrivé, c’est une blessure et c’est fini » .
Et le champion n’est pas le seul à s’en inquiéter. Car les athlètes qui prétendent au saint graal du haut niveau, la catégorie « élite », suivent des entraînements de niveau professionnel. Et les critères pour figurer sur cette liste sont exigeants. En plus de performances significatives en compétition locales, il faut aussi décrocher un titre au niveau mondial. « Chaque fédération a proposé des critères à la commission de haut niveau, explique le directeur technique de la Fédération Tahitienne de Natation, Sylvain Roux. Nous, on a eu des critères très exigeants puisque pour être niveau élite, il faut être médaille d’or aux Jeux du Pacifique ou médaillé au championnat de France élite. Pour accéder à ce niveau là, les nageurs s’entraînent entre 24 et 35 heures par semaine. Donc c’est vraiment pratiquement du temps plein« .
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Un coût en temps, et forcément, en argent. Sylvain Roux estime que le suivi annuel d’un nageur élite nécessite entre 1 et 1,5 million de francs. « 250 000, ce n’est pas beaucoup » , souffle-t-il.
Même déception pour le champion de pêche sous-marine Dell Lamartinière. Car pour préparer une compétition à l’étranger, les repérages des fonds marins se font au plus tard un mois à l’avance. « Un mondial, ça me coûte de ma poche 1,5 million à peu près, chiffre-t-il. Tu peux aller à un championnat du monde de pêche sous-marine, tu peux être le plus fort du monde. Si tu ne connais pas les spots de pêche, ça ne sert à rien » .

« Nous, on prend un mois et demi minimum pour prétendre avoir un bon résultat. (…) Rien qu’une location bateau, avec l’essence, tu comptes 50 000 par jour. Pour un mois et demi, ça fait lourd« . Et pour un athlète qui vit de sa pêche, sept semaines de compétition au total, c’est autant de temps sans entrée d’argent. « Il y a des années, j’ai été obligé de faire un emprunt à la banque. Justement, après, je rembourse petit à petit, mais c’est lourd« .
15 à 20 millions de francs pour 170 athlètes
Mais si les subventions ont été rabotées, c’est surtout parce que la liste élite s’est rallongée : en l’espace de deux ans, le nombre d’athlètes y figurant a quasiment triplé, passant de 70 à près de 170. L’enveloppe de 15 à 20 millions consacrée par le Pays, elle, n’a pas grossi. Et le gâteau a été partagé.
Aussi dans le milieu du sport de haut niveau, on s’interroge sur la stratégie du Pays et sur son niveau d’exigence. « Soit c’est top, parce qu’il y a de plus en plus d’athlètes de haut niveau en Polynésie. Donc ça veut dire que les clubs, les fédérations travaillent bien pour accompagner ces athlètes et pour qu’ils sortent à haut niveau. Soit on a baissé l’exigence d’accéder aux listes de haut niveau élite notamment. Et du coup, ça en fait beaucoup plus » , analyse Sylvain Roux. Même son de cloche du côté de Dell Lamartinière. « Mettre autant d’athlètes de haut niveau comme ça, c’est bien. Mais il faut avoir le budget derrière, au lieu de le rabaisser. C’est mieux d’avoir des critères hauts et aider ceux qui vont prétendre à un mondial ou un championnat olympique, estime le chasseur. Ce n’est pas la même chose, un championnat olympique et un championnat Pacifique. Ce ne sont pas les mêmes dépenses« .
Prise en charge du suivi médical
Derrière cette vague de nouveaux athlètes, une nouvelle charge de travail qui s’abat sur l’IJSPF. Car au-delà des bourses individuelles, les sportifs de haut niveau ont aussi droit à un suivi médical. « Ce suivi médical est obligatoire pour l’ensemble des sportifs de haut niveau positionnés sur liste par arrêté du pays. Ils ont un premier rendez-vous avec un médecin du sport, et après ce rendez-vous avec un médecin du sport, et en fonction des disciplines, en fonction des catégories, il y a une batterie de tests à réaliser« , développe le chef du bureau de la formation et du sport de haut niveau de l’Institut de la Jeunesse et des Sports de la Polynésie française, Philippe Idjeri.
Cardiologues, ORL, dentistes, analyses en laboratoire : au total ces tests représentent un coût de 100 000 à 150 000 francs. « C’est un gros coût. Et en plus, généralement, nous, on est en convention avec plusieurs spécialistes et on essaie de minimiser les coûts vu le nombre de sportifs que l’on présente dans les différents cabinets médicaux » reconnaît le chef du bureau. Mais ce n’est pas tout, en figurant sur cette liste, les athlètes ont également un accès facilité aux infrastructure sportives. « Notamment la salle de musculation de l’Institut de la Jeunesse et des Sports, qui permet aux athlètes de s’entraîner correctement, notamment sur leur préparation physique généralisée ou spécifique, donc c’est quand même un coût non négligeable vu le prix des salles de musculation sur Tahiti, ou dans les îles » ajoute le responsable.
Du côté du ministère des Sports, on explique que d’autres leviers de financement ont été actionnés. Au niveau des fédérations notamment avec le projet ambition 2027, porté par le comité olympique et financé à 100% par le Pays.
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« On a 90 millions de crédits qui sont mobilisés au titre de la préparation des Jeux du Pacifique« , souligne le conseiller technique au ministère des sports Kainuu Temauri. « 75 millions pour les 25 fédérations qui sont concernées par les Jeux du Pacifique, plus 15 millions alloués au COPF pour tout ce qui va être préparation transversale ou l’accompagnement personnalisé de sportifs identifiés à haut potentiel de médaille ». Le ministère rappelle en outre que le dispositif n’est pas figé, et que des aménagements devraient intervenir. « A l’heure actuelle, on est encore en période de transition, puisque notre dispositif réglementaire n’est pas encore opérationnel à 100%. C’est pour ça qu’on a eu autant de nouveaux sportifs qui ont intégré sur liste » précise le conseiller technique. Du reste selon lui, le ministère n’est pas opposé à l’idée de revoir à la hausse l’enveloppe des subventions individuelles.