Fraîche, apprêtée, tout sourire et munie de son écharpe : c’est avec beaucoup de grâce et d’élégance que Tara apparaît derrière sa caméra pour répondre à nos questions à distance.
Lorsqu’elle est élue Miss Vahine Tane en 2018, Tara est alors agent communal à la mairie de Pirae depuis 2015. À l’époque, elle suit en parallèle de son travail des cours du soir en licence d’administration publique. En 2019, elle s’intéresse également au DU journalisme. Ambitieuse, la belle décide ensuite de faire une pause dans son travail pour se consacrer à ses études. Elle prend une dispo de 3 ans et poursuit son cursus universitaire à Lyon, où elle suit actuellement un master d’administration publique dans le but d’être fonctionnaire d’Etat.
Si elle admet que sa couronne de Miss Vahine Tane n’a pas changé sa vie à ce moment-là, c’est pourtant l’un des facteurs qui l’a amenée à envoyer sa candidature à Miss Trans France 2021.
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« En 2018, bien sûr que j’avais l’envie de continuer mon aventure […]. Mais en France, je n’avais aucune visibilité parce qu’il n’y avait pas encore de comité qui avait été mis en place. Et quand je suis arrivée en 2019, j’ai eu la surprise de voir qu’il y avait une élection Miss Trans France. Mais je venais d’arriver en Métropole et je venais de m’installer […]. Mon esprit n’était pas porté sur l’élection. […] Ensuite, en 2020, il n’y a pas eu d’élection donc c’est la 1ère dauphine qui a reçu le titre de Miss Trans France. Et en 2021, ils ont mis en place l’élection. Et j’ai vu ça, je me suis dit ‘ça y est. Je suis stable, j’ai pris mes repères donc je suis prête à me lancer dans cette nouvelle aventure’. »
Miss Trans France : une élection qui porte un message fort
Liberté, égalité et représentativité : tel est l’adage de Miss Trans France. Pour Tara, cette élection n’est pas un simple concours de beauté. Elle vise surtout à élire une ambassadrice de la communauté des femmes transsexuelles et transgenre en France. « Un rêve » pour la jeune femme qui déclare vouloir « représenter [sa] communauté sur un plan national ».
« Dans notre élection, à nous les trans, on est là pour défendre des causes qui nous tiennent à cœur. […] C’est quelque chose qui n’est pas facile à vivre. Moi je suis passée par une transition qui était assez dure, les jeunes aujourd’hui ont plus de chance parce que les anciennes ont œuvré pour changer les mentalités. La jurisprudence aujourd’hui a évolué. On a la chance de pouvoir être femme sur notre carte d’identité […] parce qu’elles se sont battues. Il faut continuer ce combat pour que demain, les choses s’améliorent ».
Tara est la première Polynésienne à participer à Miss Trans France. Cette année, elle est en concurrence avec 11 autres candidates avec qui elle se préparera pendant 10 jours. Pour l’instant, peu d’informations ont été délivrées concernant l’élection. Mais Tara n’a pas attendu pour se préparer puisqu’elle a déjà fait appel à un coach sportif pour sa remise en forme.
« Je ne suis pas très sportive, je suis très gourmande au contraire ! J’adore les bonnes choses de la vie. J’avais besoin d’avoir un coach sportif parce que j’étais persuadée qu’en face, il y aurait du lourd […]. Ça fait 2 mois que j’ai commencé à perdre du poids, et c’est important pour moi parce que ça me permet d’avoir le moral et de garder confiance en moi. »
Si le public ne connaît pas encore les rivales de la Polynésienne, Tara déclare avoir déjà rencontré l’ensemble des candidates avec qui elle discute tous les jours. « Je ressens beaucoup de générosité, de bienveillance entre nous toutes. […] Aujourd’hui, on est vraiment liées, on ne ressent pas encore la compétitivité. On est une bande de copines. […] Avant tout, c’est une belle histoire humaine qu’il faut vivre, je pense qu’on a toutes compris ça. »
À la clé de Miss Trans France : une couronne, des opportunités, une voie pour militer mais aussi, comme dans toute élection, la possibilité d’aller plus loin dans l’aventure. Deux élections permettent à la Miss et à sa 1ère dauphine de représenter la France à l’international : Miss Trans Star International et Miss Queen International. Des concours de beauté pour lesquelles Tara ne cache pas son admiration : « Ce serait encore plus un rêve pour moi […] de partir à Miss Queen International ! Il n’y a jamais eu de tahitienne à cette élection ! C’est l’élection la plus prestigieuse pour les trans de tous les Pays. Et là, vraiment, le niveau est au top. […] Ce serait le rêve, vraiment. Après, que je gagne ou que je ne gagne pas, le fait que j’ai participé, de dire qu’une Tahitienne est allée jusque-là, pour moi ce serait vraiment une fierté. »
Être une femme pleinement mais se souvenir d’où l’on vient
En 2019, la présidente du Comité Miss France, Sylvie Tellier, déclarait publiquement ne voir aucun inconvénient à accueillir une candidate transsexuelle à Miss France. Une déclaration que Tara salue et dont elle est fière. Elle ne cache d’ailleurs pas son admiration pour les femmes trans ayant participé et remporté des élections de Miss. Mais selon elle, il ne faut pas avoir peur de ses origines.
« Je ne dis pas qu’un homme qui est allé jusqu’au bout de sa transition, n’est pas une femme. Bien sûr que c’est une femme. Ce serait ridicule de revenir en arrière, mais il ne faut pas oublier qui nous sommes. Ok, nous sommes des femmes, mais nous sommes des femmes trans. Si tu sais qui tu es, tu sais où tu vas et tu pourras affronter le monde. […] Après, je suis pour l’intégration des femmes trans à l’élection de Miss France, car les choses évoluent. Mais moi, je suis bien à Miss Trans France et je suis fière de représenter les trans de Tahiti. Et je n’ai pas honte de le dire. Le cacher, c’est le renier et je ne renierais jamais qui je suis. Si je dois avoir des enfants, un mari, les gens qui partagent ma vie, bien sûr qu’ils sauront tout de ma vie. […] Je suis une trans et je suis fière de l’être. Ce n’est pas une élection de Miss qui va te dire qui tu es. Tu sais que tu es une femme. »
Effectuer sa transition en Polynésie : un problème de fond(s)
Si Tara estime qu’en Polynésie, les mentalités sont plus ouvertes qu’en Métropole sur l’acceptation des personnes transs, elle pointe du doigt le manque d’aides financières. Dans l’Hexagone, la sécurité sociale prend en charge tout le processus de transition, que ce soit le traitement hormonal, la consultation de médecins spécialistes ou les opérations réparatrices du visage, des seins et des parties génitales.
Au fenua, rien de tout ça n’est couvert. « À Tahiti, […] c’est nous-mêmes qui payons notre traitement hormonal. Il n’y a pas de prise en charge […] parce qu’il y a des lois qui ont été votées ici [NDLR : en métropole] et pas en Polynésie française. Donc les transitions à Tahiti se font au compte-gouttes. Quand tu as des sous, tu peux te permettre d’acheter des hormones, de te faire refaire les seins. […] J’ai l’espoir qu’à Tahiti, on puisse avoir le même système. […] Ce serait donner la main à nos trans à Tahiti, qui ont du mal à s’intégrer dans la société, à trouver un travail. Qui ont un mal-être au quotidien. »
Une situation à laquelle les autorités du Pays devraient remédier, selon Tara. Soutenir les associations LGBTQIA+, mettre en place des structures d’accueil adaptées, le travail est encore long en Polynésie quand il s’agit d’accompagner les personnes transgenres et transsexuelles. Tara dénonce, entre autres, le manque d’aide des mineurs trans qui se prostituent après avoir été rejeté par leur famille. « Beaucoup de familles tahitiennes ont honte de leurs enfants. Qu’est-ce qu’elles [NDLR : les femmes transgenres] font ? Elles quittent la maison très tôt pour aller se prostituer. […] Il n’y a pas encore, à mon sens, une structure qui soit centrale et qui soit légitime pour la cause des trans à Tahiti ».
« Savoir un enfant, à 13 ans, dehors parce que c’est une raerae et qu’elle est obligée de gagner de l’argent pour manger, pour vivre ses rêves, je pense que ce n’est pas tout le monde qui a conscience de ça. […] Moi, j’ai de la chance d’avoir eu des parents qui m’aident. Mais je n’ai pas eu le courage d’affronter mes parents. Je me suis transformée très tard, à l’âge de 25 ans. J’ai été très mal toute ma vie, mais je n’ai pas eu le courage d’affronter. Mais d’autres affrontent, toutes jeunes, à 13 ans. Elles se retrouvent à la rue, et elles ont besoin de soutien. »
Un message fort que notre belle Polynésienne défendra le 7 juillet à Paris, au Théâtre La Nouvelle Eve. L’élection sera retransmise en live sur la page Facebook Miss T France.
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