Face à une offre d’alimentation ultra-transformée dans les rayons des grandes surfaces, quelle place ont les produits locaux dans l’assiette des Polynésiens ? Une question qui taraude Anthony Tchekemian. Enseignant chercheur en géographie humaine, il a ainsi décortiqué les modes de production agricoles dans 5 archipels. De quoi cartographier la présence des produits importés et transformés, mais aussi leur quantité : « Modestement, c’est essayer de comprendre aussi finalement quelle était la composition des repas et qu’est-ce qui structurait l’assiette des Polynésiens. On voit qu’il y a beaucoup de boissons gazeuses… on voit qu’il y a aussi une façon de cuisiner maintenant, avec davantage de friture et beaucoup de sauce qui composent l’assiette des Polynésiens ».
La Polynésie n’échappe pas à la pandémie mondiale d’obésité avec 70% des adultes en surpoids, dont 40% ont atteint le stade d’obésité. Les enfants ne sont pas épargnés : 36% des 7-9 ans sont en surpoids. La maladie tue désormais 3 fois plus dans le monde que la malnutrition selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Pour autant, l’enseignant salue des initiatives encourageantes du côté de l’agriculture. Un secteur clé pour réapprendre à bien manger. À l’instar des jardins partagés dans des zones très urbanisées où les terres exploitables viennent à manquer, Des espaces qui permettent de créer du lien et de sensibiliser le public à un meilleur équilibre alimentaire : « Le Polynésien est intimement lié à la terre, attaché à la terre. Et donc de la terre, il va extraire finalement la vie, c’est-à-dire un moyen pour se nourrir, pour nourrir sa famille et pour se construire ».
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La qualité des produits, c’est le leitmotiv des responsables du jardin d’expérimentation de 2 400m2, dans le quartier d’Hotuarea à Faa’a, où 6 jeunes en contrats civiques se forment à la permaculture. « C’est nous-mêmes qui avons semé ces tomates, puis les avons piquées. Et nos tomates sont en pleine forme. Tu peux envisager que sur une même butte de culture, tu peux planter diverses plantes comme des légumes, plus des plantes répulsives » explique Romain Peni, volontaire en contrat service civique
Pour faire pousser les récoltes, aucun engrais chimique ni pesticides. Les tomates, aubergines, poivrons et autres produits, sont destinés aux familles du quartier. Ainsi, elles s’approvisionnent à moindre coût en fruits et légumes sains. Prochaine étape, former à leur tour les familles et les prochaines générations aux techniques de la permaculture : « Économiquement, je pense qu’il faut revenir à cette stratégie-là. Cela peut aider à gagner un peu de sous et à avoir l’autonomie alimentaire » déclare Olia Tahutini, cheffe de chantier agricole.
Face à l’urbanisation galopante, l’association lutte pour réintroduire des lopins de terre dans les logements sociaux : « On a des résidences sociales qui sont construites en bâtiments, donc en appartements, alors les familles n’ont pas souvent l’occasion d’avoir un petit jardin. Cela pourrait être l’un des facteurs qui bloque justement le retour de nos familles à la terre et aussi aux générations futures. Mais du coup, on y travaille avec l’OPH pour impulser cette philosophie d’implanter des jardins partagés dans les résidences sociales » précise Christophe Teano, directeur des établissements de l’association Hotuarea Nui.
Aujourd’hui, les importations représentent environ 80% de la consommation en Polynésie française. Et bien que le gouvernement prône l’autosuffisance alimentaire, le secteur primaire peine à se développer. Entre l’autoconsommation, la vente directe aux particuliers et les étals des bords de routes, les filières agricoles souffrent d’un manque de structuration.