Une rallonge de 700 millions de francs pour finir le pôle de santé mentale

Publié le

Une rallonge de 700 millions de Fcfp a été adoptée au collectif budgétaire pour finir le pôle de santé mentale, dont le coût global est estimé à 4,5 milliards. De quoi épurer les dettes, payer les fournisseurs et finaliser les travaux, selon le ministre de la Santé, Cédric Mercadal. Objectif : ouvrir le bâtiment fin 2024.

Publié le 17/07/2023 à 5:00 - Mise à jour le 18/07/2023 à 19:18

Une rallonge de 700 millions de Fcfp a été adoptée au collectif budgétaire pour finir le pôle de santé mentale, dont le coût global est estimé à 4,5 milliards. De quoi épurer les dettes, payer les fournisseurs et finaliser les travaux, selon le ministre de la Santé, Cédric Mercadal. Objectif : ouvrir le bâtiment fin 2024.

Octobre 2019, fin 2022, courant 2023 et plus récemment, fin 2024. Le pôle de santé mentale va-t-il cette fois vraiment ouvrir ? Pour la nouvelle mandature, comme pour la précédente, c’est aussi une priorité. « On est obligé de finir ce bâtiment, qui ne connaît pas quelqu’un qui n’a pas eu, à un moment ou à un autre, une difficulté ou besoin d’une aide psychologique » précise le ministre de la Santé, Cédric Mercadal. « On a encore mis beaucoup d’argent au collectif cette année pour appuyer cette politique, c’est un projet qui arrive à 4,5 milliards de Fcfp quand même. Ce n’est pas rien, on vient de mettre 700 millions pour finaliser les travaux et tout payer. Les coûts ont explosé, on ne va pas se mentir ».

Car la crise sanitaire et le conflit en Ukraine sont passés par là, entraînant dans leur sillage une crise des matériaux de construction. La hausse des coûts de production et les retards de livraison ont ainsi considérablement freiné l’avancée des travaux. Notamment sur la partie vitrage du bâtiment. Mais, il a également fallu prévoir l’acquisition d’un nouveau générateur pour l’alimentation électrique. « Quand on construit un bâtiment, on croit qu’on a pensé à tout, mais une fois que c’est placé, on s’aperçoit qu’il y a des choses qui ne vont pas, poursuit M. Mercadal. Nous avons fait des correctifs, la programmation a été régularisée, l’approvisionnement des vitres a été revue, on a fait des appels d’offres pour revoir la partie alu parce qu’il y a eu des surcoûts là aussi, et pour le nouveau générateur aussi ».

L’annonce est plutôt rassurante pour les professionnels de santé et en particulier pour le centre de
prévention des soins et des addictions. Car dans ce futur pôle, le centre disposera d’une consultation, d’une prise en charge ambulatoire de 20 places et surtout d’une unité d’hospitalisation de 12 lits. De quoi faire du sevrage aigu, mais aussi du sevrage plus long pour envisager une réinsertion. Un dispositif encore inexistant sur le territoire et qui vient cruellement à manquer. En attendant, le centre n’a pas d’autres choix que de faire du sevrage en ambulatoire. « Ils rentrent chez eux avec
du Valium, ce qui est très compliqué à suivre puisque chez eux, il y a de la consommation, ou alors on les evasanent, mais c’est aussi très compliqué. Non seulement, ça a un coût, mais les patients polynésiens n’ont pas forcément envie de partir un mois en France dans un environnement qu’ils ne connaissent pas »
déplore le médecin-chef du centre de prévention des soins et des addictions Romain Bourdoncle.

– PUBLICITE –

« L’hospitalisation des mineurs se fait toujours en psychiatrie adulte par défaut, donc il y aura une vraie révolution de ce côté-là avec l’arrivée du pôle de santé mentale »

Johan Sebti, chef du département de psychiatrie du Taaone

Reste encore l’option de la psychiatrie adulte, mais elle loin d’être adaptée aux mineurs. Pour le responsable du département de psychiatrie du Taaone, Johan Sebti, c’est précisément à ce niveau-là que le pôle de santé mentale est attendu. « La grande majorité de nos patients sont jeunes, parce que c’est à peu près là que les troubles psychiques apparaissent ». Et à défaut d’unité d’hospitalisation dédiée aux mineurs, « ça se fait toujours en psychiatrie adulte par défaut, donc il y aura une vraie révolution de ce côté-là ».

Les effectifs du centre de prévention des soins et des addictions devraient alors doubler, voire tripler pour gérer l’unité d’hospitalisation et l’unité de liaison et de soin en addictologie. « Cela permettrait d’aller dans les services de gastro-entérologie, de gynécologie, de psychiatrie, puis de renforcer l’équipe ambulatoire et faire des consultations en hôpital de jour », développe le médecin-chef. Une configuration qui se veut donc plus transversale avec un panel de compétences à disposition immédiate et un parcours du patient beaucoup plus fluide. « C’est la pierre angulaire d’un réseau de soin avec tous les partenaires » résume Johan Sebti.

Actuellement, le centre d’addictologie n’a pu prendre en charge que 200 consommateurs d’ice sur les 10 000 environ que compterait la Polynésie (Crédit : Infographie TNTV)

Et la demande est là. Le centre estime que près de 10 000 personnes en Polynésie consomment de l’ice, dont 200 sont reçues chaque année par le service. Sur ces 200 personnes, une vingtaine nécessiterait une hospitalisation au long cours. Idem pour l’alcool, dont le nombre de grands consommateurs a doublé en 10 ans, ou le paka qui compte 20% de grands consommateurs.

Au-delà des besoins en addictologie, l’attente est très forte du côté de la psychiatrie. Saisie par l’ancien ministre de la Santé, la mission d’inspection de l’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale (Arass) avait dressé fin 2019 un rapport accablant du service de psychiatrie. « Désorganisation réelle », « déviances de pratiques », « personnel au bord de la crise de nerf ».

L’unité d’hospitalisation, une ligne budgétaire de plus

Le rapport liste des manques à tous les étages. « Manque de structures de décharge et d’aval », manque de praticiens, mais aussi manque place dans un service saturé, avec des taux d’occupation d’environ 110%. Il n’était pas rare, selon le rapport, de voir « deux ou trois patients par chambre » et de « devoir installer des lits mobiles ». Deux ans plus tard, la situation est toujours aussi préoccupante, selon le chef du service. « On se rend compte qu’il y a un état de souffrance assez généralisé depuis le covid », souligne Johan Sebti. « Le taux d’hospitalisation augmente à nouveau depuis 2022, et beaucoup plus de gens viennent en consultation chercher les soins. Les tentatives de suicide augmentent également depuis 2022, donc cela prend un virage assez inquiétant ».

Si le financement des murs est a priori bouclé, reste le financement du fonctionnement, et notamment de la partie hospitalisation. Une ligne budgétaire supplémentaire estimée à environ 450 millions et retoquée à plusieurs reprises par le précédent gouvernement. Aujourd’hui c’est entre le ministère de la Santé, le ministère des Finances et l’hôpital du Taaone que se fera l’arbitrage.

Dernières news

Activer le son Couper le son